LA GUIGNOLÉE

 
   

Ces mots La Ignolée désignent à la fois une coutume et une chanson, apportées de France par nos ancêtres; elle sont aujourd'hui presque entièrement tombées dans l'oubli

Cette coutume consistait à faire par les maisons, la veille du jour de l'an, une quête pour les pauvres (dans quelques endroits on recueillait de la cire pour les cierges des autels), en chantant un refrain qui variait selon les localités; refrain dans lequel entrait le mot La Ignolée, guillonée, la guillona, aguilanleu, suivant les dialectes des diverses provinces de France où cette coutume s'était conservée des anciennes moeurs gauloises.

M. Ampère, rapporteur du Comité de la langue de l'histoire de la France, etc., a dit, au sujet de cette chanson: "Un refrain, peut être la seule trace de souvenirs qui remontent à l'époque druidique."

Il ne peut y avoir de doute sur le fait que cette coutume et ce refrain aient pour origine première la cueillette du gui sur les chênes des forêts sacrées, et le cri de réjouissance que poussaient les prêtres de la Gaule druidique Au gui l'an neuf, quand la plante bénie tombait sous la faucille d'or des druides.

Dans nos campagnes, c'était toujours une quête pour les pauvres qu'on faisait, dans laquelle la pièce de choix était un morceau de l'échine du porc, avec la queue y tenant, qu'on appelait l'échignée ou la chignée. Les enfants criaient à l'avance en précédant le cortège: La Ignolée qui vient! On préparait alors sur une table une collation pour ceux qui voulaient en profiter et les dons pour les pauvre

 

Les Ignoleux, arrivés à une maison, battaient devant la porte avec de longs bâtons la mesure en chantant; jamais ils ne pénétraient dans le logis avant que lé‑ maître et la maîtresse de la maison, ou leurs représentants, ne vinssent en grande cérémonie leur ouvrir la porte et les inviter à entrer. On prenait quelque chose, on recevait les dons, dans une poche qu'on allait vider ensuite dans une voiture qui suivait la troupe; puis on s'acheminait vers une autre maison, escortés de tous les enfants et de tous les chiens du voisinage, tant la joie était grande... et générale!

Texte revue LE JAVELIER janvier 2001

 

 

Voici la chanson de La guignolée, telle qu'on la chantait encore en Canada, il y a quelques années (milieu du XIXe siècle), dans les paroisses du Bas du Fleuve:

 

Bonjour le maître et la maîtresse
Et tous les gens de la maison,
Nous avons fait une promesse
De v'nir vous voir une fois l'an.
Une fois l'an ce m'est pas grand' chose
Qu'un petit morceau de chignée.
Un petit morceau de chignée,
Si vous voulez.
Si vous voulez rien nous donner,
Dites nous lé.
Nous prendrons la fille aînée,
Nous
y ferons chauffer les pieds!
La Ignolée! La Ignoloche!
Pour mettre du lard dans ma poche!
Nous ne demandons pas grand' chose.
Pour l'arrivée.
Vingt‑cinq ou trente pieds de chignée,
Si vous voulez.
Nous sommes cinq ou six bons drôles,
Et si notre chant n'vous plaît pas
Nous ferons du feu dans les bois,
 Étant à l'ombre,
On entendra chanter l'coucou
Et la Coulombe!

Source:
La Gulgnolée du colon in Chez‑nous
, vol. 2, n° 4, 15 février 1944,
article conservé aux ACSCSA.

 

 

   

C'est pour fournir aux colons nécessiteux ce que l'aide gouvernementale ne peut leur procurer que la guignolée du colon a été établie dans le diocèse de Québec par le Comité de l'aide aux colons de la Société Saint‑Jean‑Baptiste de Québec en 1937. La première année, cette guignolée eut lieu dans une seule paroisse; en 1943, 32 paroisses furent visitées. En 1943, 4 370 familles avaient déjà bénéficié de ces collectes, recevant des objets d'une valeur d'au moins 100 000$.

 

 
  Le christianisme avait accepté la coutume druidique en la sanctifiant par la charité, comme il avait laissé subsister les menhirs en les couronnant d'une croix. Il est probable que ces vers étranges, nous prendrons la fille aînée, nous y ferons chauffer les pieds! sont un reste d'allusions aux sacrifices humains de l'ancien culte gaulois. Cela rappelle le chant de Velléda dans les Martyrs de Chateaubriand: "Teutatès veut du sang... au premier jour du siècle... il a parlé dans le chêne des druides!"

 

 
    Gazette des Campagnes, 15 juin 1863, p. 432 (chanson recueillie par jean‑Charles Taché).
     
   

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